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Buckminster Fuller

The Fly’s Eye Dome
24.05.13 - 23.06.13
Exposition — Port Viguerie

50 Foot Fly’s Eye Dome, Richard Buckminster Fulle (1980) Photo Nicolas Brasseur, Festival international d'art de Toulouse, 2013 ©Le Printemps de septembre

50 Foot Fly’s Eye Dome, Richard Buckminster Fuller (1980) © Nicolas Brasseur, Festival international d'art de Toulouse, 2013©Le Printemps de septembre

50 Foot Fly’s Eye Dome , Richard Buckminster Fuller(1980) Photo Nicolas Brasseur, Festival international d'art de Toulouse, 2013 ©Le Printemps de septembre

50 Foot Fly’s Eye Dome, Richard Buckminster Fuller (1980) Photo Nicolas Brasseur, Festival international d'art de Toulouse, 2013 ©Le Printemps de septembre

50 Foot Fly’s Eye Dome , Richard Buckminster Fuller (1980) Photo Nicolas Brasseur, Festival international d'art de Toulouse, 2013 ©Le Printemps de septembre

Né en 1895 à Milton (États-Unis), il est décédé en 1983  à Los Angeles (États-Unis).

 

Au cœur de son parcours et à proximité immédiate de la Garonne, le Festival international d’art de Toulouse expose sur le Port Viguerie le 50 feet Fly’s Eye Dome de Richard Buckminster Fuller. Ce dôme géodésique, prototype original de 15 mètres de diamètre restauré tout récemment par le collectionneur Robert Rubin, n’a été exposé qu’une seule fois en public à l’occasion du 150ème anniversaire de la ville de Los Angeles, en 1981. Le Fly’s Eye Dome occupera le Port Viguerie pendant les deux prochaines éditions du Festival. Un éclairage spécifique, conçu par Philips, illumine le dôme tous les soirs pendant la manifestation.

Buckminster Fuller est-il « le cousin américain de Jean Prouvé » ? Né six ans avant le constructeur de la Maison Tropicale, Fuller était, comme Prouvé, un autodidacte. Ayant abandonné ses études à Harvard, ce n’était pas un architecte, pas un ingénieur, pas un urbaniste, pas un capitaliste maximaliste. Comme Prouvé, il recyclait ses profits dans des projets utopiques. Comme Prouvé, il a été ostracisé, et même voué aux gémonies par l’industrie du bâtiment. Enfin, comme Prouvé, il est aujourd’hui porté aux nues par les architectes et les artistes, qui voient en lui un créateur d’une grande intégrité. Buckminster Fuller, en effet, a anticipé les préoccupations sociales et écologiques de notre nouveau siècle avec des concepts et des conceptions qui font preuve d’une magnifique prescience.

Le Fly’s Eye Dome («dôme en oeil de mouche») représente pour Fuller l’aboutissement d’un demi-siècle d’engagement profond au service d’une idée : « mettre à la disposition de toute l’humanité un abri hautement performant », ce que l’on peut comparer au célèbre précepte de Prouvé : « Il faut des maisons usinées ». Le dôme présenté ici à Toulouse est le plus grand des deux imaginés par Fuller. Le petit est plus petit qu’une maison, mais plus grand qu’un van. Celui-ci est conçu pour permettre de vivre dans le « jardin d’Éden » : trois étages ou plus, un jardin, des arbres et une piscine. 

Les maîtres mots sont lumière, efficacité, flexibilité et échelle industrielle.

La surface en fibre de verre est occupée aux trois quarts par les ouvertures de « l’oeil de mouche » qui peuvent servir de portes, de fenêtres ou de bouches d’aération, ou recevoir des cellules photovoltaïques : « En ce qui concerne les orifices et les pores de tous les systèmes organiques, leur fonction, selon leurs dimensions et leur forme, est de trier, filtrer et classer la circulation des éléments physiques qui entrent et qui sortent pour permettre la régénération métabolique incarnée par les dômes. » Buckminster Fuller a anticipé la double paroi en concevant deux dômes concentriques séparés l’un de l’autre d’une trentaine de centimètres pour l’isolation et l’aération. Simultanément, il imaginait une ville entière sous un gigantesque dôme destiné à être déposé par voie aérienne dans des endroits reculés du monde, à l’intention de « skieurs, géologues, artistes et autres ». Il lui donne le nom de « Machine d’Habitation Autonome ». Aujourd’hui, ce serait une façon de vivre en dehors de tout raccordement aux réseaux. Fuller avait même prévu de transformer les excréments des occupants en méthane et en poudre fertilisante. 

À l’instar de la Maison Tropicale de Jean Prouvé, ce dôme apparaît comme le prototype d’un système de construction industrialisé qui ne s’est jamais développé parce qu’il était trop en avance sur son temps (ou, comme le disent les spécialistes de technologie aujourd’hui, parce qu’il est venu « trop tôt »). Il y eut à la même époque trois prototypes de Maison Tropicales (un déployé à Niamey, deux à Brazzaville) et trois prototypes de dôme en "oeil de mouche", dont celui-ci qui, avec un diamètre d’une quinzaine de mètres, est le plus grand des trois. Ils ont été précédés par la Maison Dymaxion, autre construction en aluminium, que l’on peut voir aujourd’hui au Ford Museum à Dearborn. 

Ma fascination pour Fuller comme pour Prouvé tient au caractère artisanal de ces prototypes industriels. Chacun intègre dans sa beauté futuriste des éléments touchants qui rappellent la faillibilité humaine. Ainsi, certains panneaux ont dû être «modifiés» après coup, parce que les moules pour la fibre de verre avaient été construits en oubliant de convertir les degrés en pouces. Dans le processus de restauration, nous avons laissé des traces de cet incident qui nous rappelle qu’à l’ère industrielle – avant celle des ordinateurs – les hommes construisaient des choses qui ressemblaient à ce qu’ils avaient en tête, et qu’ils se servaient de leur tête, mais aussi de leurs mains. Et même, quand il le fallait, de ce qu’ils avaient sous la main (il semble que les «futuristes» aient toujours travaillé dans des délais très serrés). Par exemple, le cahier des charges de Fuller prévoyait de l’aluminium très fin ou une tôle d’acier revêtu de plusieurs couches pour renforcer la fibre de verre ; or, pour le prototype, c’est du contreplaqué qui a été utilisé. Chose étonnante, nous n’avons pas eu besoin de remplacer ce matériau, et, bien que le dôme ait passé trente ans démonté dans un champ en Californie, nous avons seulement dû remplacer quelques panneaux en fibre de verre. Le reste était en bon état. Fuller est mort en 1983. (Prouvé est mort en 1984.) Pendant une grande partie des dix dernières années de sa vie, il a travaillé avec Norman Foster à la mise au point de nouveaux dômes. Lord Foster et d’autres ont certainement adopté les nouvelles géométries architecturales de Fuller, et ils les ont fait avancer. Bucky est juste venu un peu trop tôt.


Écologue avant la lettre par Robert Rubin, mars 2013.

 

Robert Rubin est un conservateur et historien de l'architecture. Il a restauré des batiments exceptionnels comme la Maison Tropicale du constructeur Jean Prouvé, actuellement à Nancy après quatre années passées sur les terrasses du Centre Pompidou, ou la Maison de verre de Pierre Chareau, chef-d'oeuvre moderniste au coeur de Paris.

L’exposition du dôme de R. Buckminster Fuller est réalisée avec le soutien
de la Fondation EDF ; conception et installation de l’éclairage : Philips.