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Sarkis

Mesure de la lumière
21.09.18 - 21.10.18
Installation – production — Couvent des Jacobins

© Printemps de septembre

 Photographe : Damien Aspe

© Sarkis, Mesure de la lumière, Esquisse, 2018

Né en 1938 à Istanbul, il vit et travaille à Paris depuis 1964. 

 

Musique : Jacopo Baboni-Schilingi

 

Quand il est entré pour la première fois dans cette église, Sarkis a aussitôt été impressionné par la verticalité puissante de sa fameuse colonnade centrale. Quiconque pénètre dans ce lieu ne peut s’empêcher de lever les yeux « au ciel », tant la longue et étroite nef semble construite pour suggérer l’élévation, la transcendance, l’au-delà. Mais bientôt Sarkis eut cette remarque spontanée : « Ici, on a nettoyé le sacré. » C’est qu’il en est allé de cette ancienne église comme de tant d’autres monuments religieux dont la dimension spirituelle et la fonction cultuelle ont progressivement cédé la place à la fonction culturelle et à la dimension patrimoniale. Et la lumière qui baigne la nef, médiocrement colorée par les vitraux qui scandent symétriquement ses hauteurs semble témoigner de cette absence. Pourtant, « une lumière d’un côté, une autre de l’autre, chacune avec sa propre structure et le long de l’axe principal [forment] un lieu où les deux lumières se rencontrent. » (Livio Vacchini) Cette opposition-conciliation de deux lumières selon l’axe central de l’église a offert à Sarkis la matière et le point d’application de son œuvre.
 

Un long et mince tube néon en cristal est suspendu dans chacun des sept intervalles de la colonnade. Chaque tube est d’une des sept couleurs de l’arc-en-ciel. Dans le chœur, se dresse la colonne d’où jaillissent les vingt-deux arcs en ogive qui forment le magnifique « palmier ». C’est là que l’artiste a suspendu un faisceau de sept tubes néon assemblant les sept couleurs. Ce faisceau s’allume et s’éteint au rythme d’une respiration apaisée. Ainsi Sarkis déroule-t-il tout au long de ce plan de séparation le cortège des couleurs qui disent la lumière, entendue sous toutes ses métaphores : vie, joie, diversité, conciliation, ascension, etc. Ce plan retrouvé de l’élévation morale et spirituelle s’y emblématise tandis qu’une bande sonore, réalisée avec le musicien Jacopo Baboni Schilingi, diffuse doucement à nos pieds, dans le chœur, les bruits du dehors, bruits ordinaires de la vie commune, bruits des épisodes météorologiques, bruits du temps qui passe, toute une rumeur du monde extérieur qui glisse sa redondance ou sa discrépance entre les visiteurs et les bruits « en temps réel », entre le monde matériel et le monde spirituel. Quelle taille donner aux tubes lumineux qui rythment la nef ? Sarkis a choisi un multiple de l’unité de mesure en usage pour la construction de l’église, la « canne de Toulouse », soit un peu moins d’un mètre quatre-vingt. Mesure de la lumière, c’est le titre de cette œuvre, c’est aussi ce qu’elle fait, mesurer le lieu et la lumière. D’où les cordes à nœuds qui pendent le long des tubes et en mesurent la taille. On voit que Sarkis habite ce monument d’exception avec l’humilité du respect qu’il lui inspire et l’empathie qu’il éveille en lui. Le passé ne passe pas, quand les artistes le ramènent au présent.


Actif sur la scène artistique internationale depuis la fin des années soixante, il a bénéficié d’une grande rétrospective en 2011 au Mamco (Musée d’art moderne et contemporain) de Genève. En 2015, il participe à la Biennale de Venise.

Le Groupe Pierre Fabre est le mécène principal de l'installation qui bénéficie également du soutien des Amis du Printemps de septembre.